Je dessine un trait sur une feuille blanche.
On peut partir avec une intention, un but.
L’intensité de ce qui va attaquer la surface vierge de la toile sera déjà chargée d’une histoire, d’une intention consciente ou non. On pourra parler de désir ou de besoin, mais il y a toujours une force qui nous pousse à agir ou réagir.
Je dis nous, je devrais arrêter, je ne fais pas ici une définition de l’art, je ne vous propose que subjectivement de suivre le chemin constant qui m’entraîne dans la création. Avec mon regard, je vous ouvre ma maison, qui n’a aucune fondation universelle. Sachant pertinemment en plus que l’on peut faire, parfois, sans avoir aucune assise en créant dans ce flou, que certains nomment artistique, mais qui peut être le meilleur guide pour avancer. Car au contraire, la certitude peut aussi déstabiliser.
Le voyage, car je pense que créer en est un, c’est s’embarquer dans une route aux nouveaux repères, car même si on avance avec des références, c’est toujours un nous singulier qui trace.
Mais pour l’instant, j’étais face au repos de mon trait.
Cette petite marque qui ne nous disait pas plus de choses que : “je suis là”
Si je dessine un autre trait ou si simplement je le poursuis, nous raconterons une autre histoire.
Je préfère l’effacer. Car j’en ai déjà trop parlé. Non pas que je cherche l’épuré, mais tous ces mots qui le décrivent font enclumes, ils le plombent.
Je souhaiterai juste aller là où j’assumerai mon acte inconscient, je vais dans un lieu qui pourra dire ce que j’ai vraiment à vous dire, c’est à dire rien d’autre que la présence.
Ce qu’il y a de confortable c’est d’être seul face à cet acte. Nous avons cette liberté de partir là où nous le voulons, d’aller découvrir ce que nous ne soupçonnons pas et de faire naître un je ne sais quoi.
Notre représentation est comme un calque, la feuille posée sur le sujet permet de souligner, la feuille éloignée du sujet le déforme, nous observons et nous représentons. Ce qui est vu, va être traduit, absorbé par mes yeux, haché par ma cervelle, mon corps va le doser et mes mains, ma voix, mon attention vont le traduire.
C’est attentif que je forme ma technique.
Comme un musicien qui connaît son solfège, il ne le pense plus, il écrit, joue, explose les vocabulaires pour les faire chanter.
Un écrivain, lui, a appris à lire autre chose et dans l’acte d’écrire, il ne pense plus obligatoirement consciemment à la syntaxe. Elle coule, l’ayant visité à maintes reprises, les mots traduisent ensuite une personnalité et une histoire qui va s’échapper du style pour ensuite être approprié, vécu, par le lecteur.
Il existe tant de chemin entre l’émergence d’une œuvre et sa réception.
Immortels, ils vivent au-delà de leur essence.