Le rien. Tout commence avec rien. Et c’est loin d’être un non sujet ou un lieu vide.
Le rien est situable, il appartient au temps. Le rien est en devenir.
Du rien naitra une première trace.
C’est un endroit, un moment qui va se remplir. Qui va saisir.
Le rien est le socle de ce qui va naître.
Il ne faut pas s’en méfier, le redouter ou s’en angoisser.
Toute création a comme assise la même base. C’est l’auteur qui va bâtir sur cette fondation.
Si classiquement on parle de l’angoisse de la page blanche, il ne faut pas prendre ce sentiment comme un sujet sec, il est de notre ressort de la décrire, de la montrer, de l’ériger.
Nous pouvons créer des œuvres parce que notre esprit est « malade », abîmé, perturbé, mais la résultante : l’œuvre (à savoir si une œuvre peut être achevée, mais c’est déjà un autre sujet), elle sera saine, dépendante de l’État du créateur, elle sera coute que coute, offerte à la sérénité contemplative.
L’angoisse se donne à nous, ainsi en tant qu’altérité, elle devient autre, en dehors. Elle se propose mais ne contamine pas, elle se prend, on la surprend. Elle reste transparent au sujet.
Le spectateur distrait et perturbé par l’œuvre peut rester en surface, c’est son droit. Il est libre de ne pas voir, il est libre de plonger ailleurs, peut-être pour se dégager ou au contraire se retrouver dans ce qu’on lui propose, par prétexte.
Mais pour l’instant il n’y a rien.
Rien que du vide, du blanc ou du noir. La marque de l’instant. Ce moment est le support de l’esprit. Mais le processus créatif est déjà en émulation, que l’idée soit déjà là ou pas. Le fait même de se demander ce qu’il va naître en est déjà la naissance.
C’est l’acte créatif.